Encore un été à sec dans la plus grande partie de la France ! Combien d’autres épisodes comme celui-ci devrons-nous encore traverser pour mettre à jour notre logiciel en termes de gouvernance et de financement de la gestion de l’eau ? Force est de constater que les responsabilités respectives de l’Etat et des collectivités en la matière restent floues et que les organisations pérennes à l’échelle adaptée, celle du bassin hydrographique, ne sont pas abouties. Il nous faut rapidement mettre en place un cadre clair permettant d’assurer l’intérêt général tout en accompagnant les projets spécifiques à chaque territoire.
Un défaut de gouvernance à l’origine de conflits d’usage
La dernière étape de décentralisation en matière de gestion de l’eau, confiant notamment la compétence de « gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) » aux instances intercommunales, ne suffit pas pour assurer une gestion équilibrée, durable et intégrée de l’eau sur tous les territoires. Elle peut même, si elle n’est pas complétée, induire des conflits d’usages de plus en plus nombreux, des fractures territoriales de plus en plus difficiles à combler. L’approvisionnement en eau potable est déjà menacé dans certaines régions.
Malgré quelques évolutions répondant aux récents rapports (« BISCH » en mai 2018, retour d’expérience sur la gestion de la sécheresse 2019 du CGEDD, information de l’Assemblée nationale sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie en juin 2020), l’application de la réglementation reste insuffisamment contrôlée et n’est pas toujours assurée en synergie avec les objectifs territoriaux.
On manque de propositions concrètes pour lever les difficultés récurrentes rencontrées dans la mise en place réelle des projets de territoires : connaissance, méthode de définition des objectifs et des actions, maîtrise d’ouvrage et financement des actions…
Si l’anticipation de la gestion des crises liées à la sécheresse est fondamentale, seule une gestion globale et pérenne de l’eau, de ses usages mais également des risques liés, peut permettre d’assurer un développement apaisé et durable des territoires.
Des solutions pour assurer l’intérêt général et renforcer les actions locales
Les freins sont connus mais les solutions pour les lever ne sont pas partagées. L’ANEB défend la mise en place d’un cadre national d’organisation à la fois homogène sur les principes généraux et adaptable aux contextes locaux en matière d’actions, seule manière d’assurer l’intérêt général ainsi que les solidarités amont/aval et urbain/rural sur tout le territoire tout en s’appuyant sur les dynamiques des acteurs locaux. Appliqué à l’échelle des enjeux, celle des fleuves, des grandes rivières ou groupements de rivière, ce cadre devrait assurer l’organisation et le financement pérenne de :
- L’expertise globale (scientifique, technique et opérationnelle) associant toutes les parties prenantes disposant de données et de connaissances (citoyens, acteurs privés, recherche …).
- La définition d’objectifs et de programmes d’actions partagés avec des méthodes de co-construction précises et validées.
- La définition de projets d’aménagement d’intérêt commun avec une maîtrise d’ouvrage publique portée par des Etablissements Publics Territoriaux de Bassin (EPTB).
La place des collectivités, notamment des EPTB, et de l’Etat (Agences de l’eau, Office français de la biodiversité, Etat central et déconcentré, établissements publics – CEREMA, BRGM…) dans ces actions doit être précisée pour améliorer l’articulation de leurs responsabilités respectives. Dans ce cadre réaffirmé, le choix des actions et des modalités de leur accompagnement doit être plus libre pour s’adapter à chaque contexte. Il est indispensable d’accompagner les « bonnes pratiques et bons projets » visant à développer des systèmes agricoles et les activités moins dépendants de la ressource, à réduire les ruissellements, à favoriser l’infiltration et la recharge des nappes, à optimiser techniquement l’utilisation de la ressource en eau…
Et si nous nous appuyions sur ce qui fonctionne déjà ?
La France a été pionnière dans le déploiement de la gestion par bassin et nous ne pouvons que nous en féliciter. Nous ne partons pas de rien : il s’agit d’identifier les bonnes pratiques « de bassin » à généraliser dans le cadre national ou à partager pour un déploiement de projets locaux vertueux.
L’amélioration de la gouvernance et du financement de la gestion de l’eau peuvent constituer une excellente source d’inspiration pour un nouvel acte de décentralisation axé sur une meilleure différenciation territoriale, alliant enjeux nationaux et intérêts locaux.