Restaurer la dynamique naturelle d’une rivière méditerranéenne en tresses

Travaux de recharge sédimentaire de la Durance

Depuis plus de vingt ans, le SMAVD travaille au rétablissement du fonctionnement naturel de la Durance, une rivière méditerranéenne historiquement en tresses mais largement appauvrie en matériaux du fait des aménagements hydroélectriques et des extractions passées. Pour restaurer cette dynamique, l’EPTB a engagé une série d’opérations de recharge sédimentaire consistant à réinjecter dans le lit actif des graviers prélevés directement sur des bancs figés à proximité. Après deux premiers chantiers expérimentaux menés en 2022 à Puyvert et Charleval, un troisième site de grande ampleur entre Mallemort et Mérindol a été mis en œuvre à l’été 2025. Au total, 320 000 m³ de matériaux ont été remis à disposition du transit naturel. Ces travaux inédits à l’échelle française visent à restaurer la morphologie fluviale, améliorer les habitats, renforcer la résilience aux crues et réactiver la dynamique d’une rivière méditerranéenne rare à l’échelle européenne. La démarche, conduite en forte concertation et accompagnée de suivis morphologiques et écologiques, montre déjà des résultats prometteurs.

Pour restaurer la dynamique d’une Durance profondément dégradée, le SMAVD mène depuis 2022 trois chantiers majeurs de recharge sédimentaire. Une démarche expérimentale innovante, exemplaire et concertée, qui redonne à la rivière les matériaux nécessaires pour retrouver ses tresses et ses fonctionnalités naturelles.

  • 20 km de rivière concerné
  • 320 000 m3 de matériaux remis à disposition du transit sédimentaire
  • 3 sites de travaux

Trois sites de recharge successifs :

  • Puyvert (2022) : 100 000 m³
  • Charleval (2022) : 100 000 m³
  • Mallemort – Mérindol (2025) : 120 000 m³Soit 320 000 m³ au total.

Situation

Les grandes crues de 1994 ont mis en lumière l’ampleur des perturbations du fonctionnement sédimentaire de la Durance. La rivière s’est profondément incisée, a perdu sa capacité naturelle de divagation et de tressage, et voit ses habitats perdre en diversité. La dynamique alluviale, essentielle aux milieux méditerranéens, ne parvient plus à s’auto-entretenir. Cette situation résulte principalement des aménagements hydroélectriques qui bloquent le transit des matériaux et ont modifié le régime des crues ou encore des extractions massives de granulats réalisées au XXe siècle.

Enjeux et objectifs

  • L’enjeu majeur est de recréer les conditions d’une Durance vivante, mobile et fonctionnelle. Les objectifs poursuivis par le SMAVD sont multiples :
  • Restaurer une rivière en tresses, plus large, plus mobile et plus riche en habitats.
  • Réactiver le transit sédimentaire en réinjectant les matériaux dont la rivière manque.
  • Réduire l’incision du lit et restaurer les liens avec la nappe alluviale.
  • Renforcer la résilience aux crues, grâce à un lit plus large et moins contraint.
  • Rétablir des habitats rares pour la faune et la flore méditerranéenne.

Expérimenter et démontrer la faisabilité de techniques innovantes basées sur le fonctionnement morpho dynamique des cours d’eau.

Déroulé, gouvernance et méthode

Les travaux s’inscrivent dans une stratégie globale de restauration morphologique pilotée par le SMAVD, et s’appuient sur une compréhension fine des dynamiques amont–aval, essentielle pour anticiper les effets des interventions locales sur l’ensemble du bassin. La méthode développée s’appuie sur l’analyse du fonctionnement physique de la rivière.

Les matériaux sont directement prélevés dans le lit de la Durance, sur des bancs perchés que la rivière ne mobilise plus. Afin d’éviter tout transport routier : les matériaux sont réinjectés à proximité immédiate des zones déficitaires. Les travaux sont réalisés en période d’étiage, hors période de reproduction des espèces et en limitant les risques de crues. Le principe est ensuite de laisser les crues morphogènes redistribuer naturellement les graviers, générant la dynamique recherchée.

Les travaux s’accompagnent de mesures environnementales strictes : zones de mise en défens, gestion des circulations, préservation des poissons, protocole anti-pollution.

En tant que pilote de l’action, le SMAVD a mené un important travail de concertation associant l’État, les communes riveraines, les usagers et les partenaires techniques et acteurs économiques.


Le chantier 2025 intègre une innovation : créer des conditions permettant aux crues de mobiliser directement une partie des matériaux sans manutention mécanique.

Résultats impacts et bénéfices

Bien que les effets les plus significatifs ne puissent être pleinement mesurés qu’après plusieurs crues et un suivi sur le long terme, les premiers résultats sont déjà visibles. Les crues de 2023 à 2025 ont mobilisé une partie des matériaux réinjectés, entraînant l’apparition progressive de nouvelles tresses sur les sites expérimentaux. On observe également la reconnexion de zones de divagation, l’élargissement du lit actif et la réactivation de la nappe alluviale, offrant des conditions plus favorables au développement des ripisylves et au fonctionnement naturel de la rivière.

Les bénéfices écologiques attendus sont majeurs. La recharge sédimentaire doit permettre de restaurer des habitats typiques des rivières en tresses, aujourd’hui rares à l’échelle européenne, et de diversifier les faciès d’écoulement favorables à de nombreuses espèces. En renforçant la mobilité du lit et en restaurant les connexions avec la nappe alluviale, l’opération contribuera également au rafraîchissement naturel du cours d’eau en période estivale, un enjeu essentiel face au changement climatique.

Ces actions expérimentales viennent en complément de nombreuses autres actions visant une amélioration du fonctionnement physique du cours d’eau (recul d’ouvrage ou modalité de gestion des barrages en crue par exemple). Le SMAVD estime que les vingt ans d’actions morphologiques ont abouti à une augmentation de 30 % de tronçons en tresses sur la Durance entre le barrage de l’Escale et le confluent du Rhône.

Les expérimentations confortent la faisabilité de recharges sédimentaires à grande échelle, ouvrant la voie à d’autres chantiers. Une prochaine opération consister à coupler la restauration d’une zone humide (Sanfla) et une réinjection massive de graviers dans la rivière : les matériaux excavés pour restaurer la zone humide seront réemployés pour alimenter la recharge sédimentaire.

Enseignements

Plusieurs éléments ressortent de ce retour d’expérience :

  • La restauration morphologique est possible à grande échelle, même sur une rivière fortement aménagé.
  • La démarche expérimentale, appuyée par un suivi scientifique, est essentielle pour adapter les techniques et les encourager.
  • La concertation est une condition de réussite, compte tenu de l’ampleur des travaux et des enjeux multiples (écologie, risques, agriculture, usages).
  • Les crues sont au cœur de la solution : elles sont les moteurs de la reconfiguration du lit.

La synergie avec d’autres projets renforce la cohérence écologique, optimise les coûts et décuple les aménités positives.

Pour en savoir plus :

En images
Puyvert - SMAVD

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