Face à l’érosion des éléments structurants du paysage (bocages, zones humides, haies) sur le bassin de la Charente, l’EPTB Charente a engagé une démarche ambitieuse pour inscrire l’eau et ses dynamiques naturelles dans l’aménagement du territoire. À travers la mise en œuvre de son SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux), l’EPTB élabore des orientations et réglementations pour préserver la ressource, les milieux aquatiques, les zones humides, les réseaux hydrographiques, les zones d’expansion de crues et les chemins d’eau sur les versants.
En 2022, un guide d’accompagnement a été publié pour aider les communes, intercommunalités, bureaux d’étude et services GEMAPI à traduire ces orientations dans leurs documents d’urbanisme (SCoT, PLU, PLUi). Cette démarche structurée vise à garantir la compatibilité des documents d’aménagement avec le SAGE Charente et à favoriser une gestion intégrée de l’eau : disponibilité de la ressource, réduction des ruissellements et inondations, maintien des milieux aquatiques et des continuités écologiques.
Depuis 2015, l’EPTB Gardons, en partenariat avec le BRGM, conduit une ambitieuse campagne d’études sur les principaux aquifères du bassin des Gardons – 6 systèmes majeurs – pour améliorer la connaissance hydrogéologique, sécuriser les ressources en eau potable et irrigation, et anticiper les effets du changement climatique. Ces travaux, d’un coût de près de 2 millions d’euros, s’achèvent en 2025, avec la mise en place d’un suivi pérenne par piézomètre, l’intégration de la nouvelle connaissance dans les outils de gestion et la mise en œuvre opérationnelle d’actions.
Situation
L’étude concerne l’ensemble du bassin versant des Gardons, qui s’étend des Cévennes lozériennes et gardoises jusqu’à la plaine d’Aramon, traversant les piémonts, la Gardonnenque, les gorges du Gardon, l’Uzège et le Bas Gardon.
Info et chiffres clés
- Entre 2016 et 2025, l’EPTB Gardons a piloté 6 études sur les nappes souterraines majeures du bassin.
- Le coût global de cette campagne d’investigations et d’études s’élève à près de 2 millions d’euros.
- Ces études couvrent plusieurs systèmes aquifères : notamment les karst Hettangien (secteur Alès/La Grand Combe), le karst Urgonien du bassin de Saint Chaptes, les calcaires du Ludien (priabonien), le système des molasses miocènes du bassin d’Uzès (regroupant les molasses du Burdigalien et le Cénomanien) et le karst urgonien de l’Uzège (Calcaires de la Fontaine d’Eure) et les alluvions du moyen Gardon et des Gardons d’Anduze et d’Alès.
- L’objectif a inclus la mise en place d’un réseau de piézomètres pour un suivi à long terme et la réalisation d’une synthèse bibliographique mondiale sur les Barrières Physiques Souterraines (BPS).
Partenaires et soutiens
Le partenaire scientifique et technique principal est le BRGM, qui intervient en tant qu’assistant technique ou porteur des études sur les aquifères.
Le financement a été assuré par l’EPTB Gardons, avec un cofinancement de l’Agence de l’Eau et de la Région Occitanie et une participation du BRGM.
Les études sont élaborées en pleine concertation avec la Commission Locale de l’Eau, les collectivités territoriales, l’État, l’Agence de l’Eau, et les gestionnaires d’alimentation en eau potable ou d’irrigation.
Enjeux
Le besoin est multiple : d’une part, faire face à un contexte méditerranéen marqué par une forte variabilité hydrologique (crues, sécheresses), d’autre part, pallier la fragilité des ressources en eau potable et d’irrigation, souvent dépendantes de sources superficielles ou de captages isolés, avec peu de redondance et de résilience.
De plus, la pression sur la ressource souterraine est accentuée par les usages domestiques, agricoles et industriels, tandis que certaines zones présentent des problématiques de qualité (rejets polluants, nitrates, pesticides).
Le projet vise donc à mieux connaître les potentialités des aquifères – jusque-là peu ou mal caractérisés – afin de diversifier les sources, sécuriser l’approvisionnement, anticiper les étiages et prévenir les conflits d’usage, tout en assurant une gestion durable et équitable de la ressource.
– Lien stratégie / planification / programmation
L’étude s’inscrit dans le cadre plus large de la politique locale de l’eau portée par l’EPTB : le SAGE des Gardons – adopté/révisé en 2015 – et le PGRE des Gardons (plan de gestion de la ressource en eau) validé en 2018.
Le SAGE prévoyait explicitement dans ses dispositions (notamment action A2-1) la réalisation d’études hydrogéologiques sur les karsts (Urgonien et Hettangien) et nappes principales, avec un calendrier prioritaire et des objectifs clairs (bilan hydrique, relation nappe-rivière, volumes prélevables, potentiel d’usage).
Ainsi, l’initiative d’études lancée en 2015 s’inscrit comme une concrétisation des orientations du SAGE et du PGRE, et témoigne de la capacité de l’EPTB Gardons à mobiliser sa compétence « gestion de la ressource en eau » pour anticiper les besoins futurs.
– Plus-value du portage par un EPTB
Le fait que l’EPTB Gardons soit porteur constitue un atout majeur. D’abord parce qu’il garantit une vision globale et cohérente du territoire au-delà des limites communales ou intercommunales. L’EPTB coordonne les politiques d’eau (qualité, quantité, milieux aquatiques, risque inondation), ce qui permet d’articuler les enjeux d’aquifères avec ceux de la ressource superficielle, des usages, des milieux naturels et de la gestion des crues.
Ensuite, la structure offre un cadre de concertation et de gouvernance, via notamment la Commission Locale de l’Eau des Gardons (CLE), réunissant élus, usagers, associations, services de l’État – ce qui facilite l’acceptabilité sociale, la coordination des acteurs, et la mise en œuvre de décisions collectives. Enfin, en tant que maître d’ouvrage, l’EPTB peut piloter les études, mobiliser des financements, assurer la continuité et le suivi, et garantir la pérennité des actions
Déroulé & Gouvernance
Le projet a été conçu à partir du diagnostic posé par le PGCR (Plan de Gestion Concerté de la Ressource en Eau, 2007-2011) et intégré dans le SAGE (priorisation des karsts et nappes, besoins en eau, vulnérabilité au changement climatique). Le SAGE fixait les orientations et l’EPTB, via la CLE, a validé le lancement des études en 2015-2016.
Le BRGM, partenaire technique et scientifique, a été missionné pour conduire les investigations : assistance technique pour l’élaboration des cahiers des charges et le suivi des études confiées à des prestataires et la réalisation d’étude directement avec campagnes de terrain (jaugeages, piézométrie, traçages, géochimie), cartographies hydrogéologiques, modélisations éventuelles, évaluation du potentiel, proposition de programme d’action pour l’exploitation durable.
Résultats & impacts
Grâce à ces études, la connaissance hydrogéologique du bassin est largement améliorée – les entités aquifères principales sont désormais décrites, cartographiées, leurs limites, leur structure, leurs liens avec les cours d’eau mieux compris.
La mise en place d’un réseau de piézomètres assure un suivi pérenne : cela permettra de surveiller l’évolution des nappes, d’anticiper les périodes critiques (étiages, stress hydrique), de piloter les prélèvements et d’adapter les usages. À terme, cela permettra de sécuriser l’alimentation en eau potable et l’irrigation, en s’appuyant sur une ressource souterraine bien caractérisée – une diversification bienvenue dans un contexte méditerranéen saisonnier. Cela renforce la résilience du territoire face aux sécheresses croissantes attendues.
Les études servent de base à la délimitation des zones de sauvegarde pour l’alimentation en eau potable (réalisées pour certains aquifères et en cours pour d’autres).
Indirectement, cette meilleure connaissance de la ressource souterraine peut contribuer à la protection des milieux aquatiques, à la gestion plus fine des prélèvements, et à la préservation des zones humides en évitant des pompages excessifs ou mal localisés.
– Contribution à la résilience face au changement climatique
En consolidant les connaissances sur les aquifères, en définissant un réseau de suivi, et en intégrant ces données dans la planification (PGRE, SAGE), l’étude contribue à anticiper les stress hydriques et à sécuriser l’eau en période de sécheresse. Elle offre une base robuste pour adapter les usages, diversifier les sources (surface + souterraine), et favoriser une gestion durable.
Elle permet aussi de mieux équilibrer les prélèvements selon les ressources disponibles, d’éviter la surexploitation, et de préserver les milieux aquatiques – un enjeu accru avec la baisse probable des ressources liées au changement climatique.
Enseignements
Ce projet illustre l’importance d’une gestion collective et planifiée de la ressource en eau à l’échelle d’un bassin, notamment lorsqu’on connaît la variabilité climatique et hydrologique d’un territoire méditerranéen. L’EPTB Gardons montre qu’un syndicat de bassin, doté d’une gouvernance partagée et d’un partenariat scientifique (10 ans de collaboration étroite avec le BRGM « fêtés » en 2025), peut conduire des études techniques ambitieuses pour le bien commun.
Ce retour d’expérience a été relu et validé par l’établissement.
Pour en savoir plus
- Rapport d’activités 2024 de l’EPTB Gardons (https://www.les-gardons.fr/eptbgardons/le-syndicat/deliberations-comite-syndical )
- “Propositions pour l’amélioration de la connaissance des systèmes aquifères des calcaires du Ludien, du Lias et du Jurassique supérieur du bassin versant des Gardons” (BRGM / EPTB) https://www.documentation.eauetbiodiversite.fr/notice/00000000019802c9aca13c6fdfe05a04
- Le Plan de Gestion de la Ressource en Eau (PGRE) des Gardons, 2018. https://www.rhone-mediterranee.eaufrance.fr/sites/sierm/files/content/2024-07/PGRE_Gardons_v10-1.pdf
- Le dossier spécial « 30 ans de l’EPTB Gardons », Journal des Gardons, 2025. https://www.les-gardons.fr/wp-content/uploads/Journal-des-gardons-2025_EPTB-Gardons_oct2025.pdf